Pour
construire une Europe fédérale primordiale constituée, à notre avis, d'abord de la France et de l'Allemagne, il faut que la France
devienne, elle-même, une fédération de régions.
C’est, sans
doute, le principal écueil institutionnel qui pourrait freiner ce
rapprochement. Ni la langue, ni les majorités religieuses à l’intérieur de
chacune des 13 régions et 16 länders, ni nos mentalités économiques et sociales
actuelles ne seront un obstacle rédhibitoire. Mais nous pourrons en reparler
par ailleurs.
Dans
l’esprit d’une fusion de la France et de l’Allemagne, on peut, bien sûr, imaginer
une entité constituée d’un état fédéral et de 2 nations, la France centralisée et l'Allemagne fédérale.
Ce serait, certes,
plus simple et plus rapide.
Oui, mais absolument pas
réaliste et sans doute voué à l'échec.
Or la France, même si elle ne veut pas se l’avouer de peur de déclencher
des torrents de fureurs jacobines, est déjà dans un processus de
fédéralisation.

La
décentralisation est un autre marqueur de la fédéralisation. Entamée sous
Mitterrand, elle a continué son bonhomme de chemin, et déjà des
pans entiers de la gouvernance ont basculé dans les régions. Il ne faudrait que
quelques signatures administratives de plus pour compléter un tableau plus
« fédéraliste ». Et notre bon vieux Sénat n'attend que cela pour devenir la Chambre des Régions, en faisant simplement translater les élections de ses membres du plan départemental au plan régional. Les
français, tout jacobins qu’ils aient été, sont, en fait, aussi attachés à leur
ville, ou à leur région qu’à un état centralisateur qui leur apparaît souvent
comme ingouvernable. Ils manifestent une confiance pour leurs élus
locaux sans égal au plan national.
Il reste
donc à parachever une république fédérale en France donc. Oui mais avec
qui ?
Oublions
naturellement le Parti Lepeniste et les groupuscules souverainistes. Ils sont
dans une toute autre logique d’enfermement identitaire « vertical »,
d’aveuglement de la société dans laquelle ils vivent, et leurs solutions aux
problèmes économiques et sociaux sont d’une désarmante cacophonie pour ne pas
dire incohérence, ce qui leur permet de ratisser large.
Il est à
espérer que dans un cadre fédéral franco-allemand où seront de mise: l’inventivité
créatrice, la solidité entrepreneuriale, la solidarité sociale, l’équilibre budgétaire, le chômage
réduit au minimum, la parole
commune pesant de manière efficace et juste sur la scène internationale et le
poids des régions rétabli, cette bulle populiste se dégonfle.
Les Républicains ex-UMP
Chez le
parti Les Républicains, du moins lorsqu’il est chaperonné par Nicolas Sarkozy,
digne héritier du souverainiste Charles Pasqua qui l’a adoubé en son temps en
lui cédant généreusement tous ses mandats successifs et son goût pour une
mainmise autoritaire sur l’état, on n’a que faire de régions plus autonomes.
Seul le pouvoir central, indivisible et à la botte du gouvernant suprême, l’intéresse.
Le LR, parti gaulliste (ou ce qu’il en reste) est encore inféodé à cette
centralisation des décisions surtout lorsqu’elles sont contraignantes et uniformisantes (le principe des courants n'y a jamais fonctionné, cf NKM ou même Morano).
Même si De Gaulle a soutenu et participé activement
à l’émergence d’une Europe mutualiste, en son temps, le parti qui se réclame de
son héritage n’est guère en faveur d’une fédération européenne. C’est d’autant
plus étrange que l’ex-UMP est pourtant membre du Parti Populaire Européen (PPE)
dont les statuts mentionnent dans le préambule qu’il est fondé sur la base,
certes, « de
la vision chrétienne de l'Homme et de la conception démocrate chrétienne de la
société qui en découle », mais aussi « de leur volonté commune de fonder une Union européenne fédérale en tant
qu'union de peuples libres et de citoyens conscients de leurs responsabilités », et insiste en indiquant, dans son article 3, que l'un des objets pour la création de l’association (le PPE) est « de promouvoir
le processus d'unification et d'intégration fédérale en Europe en tant
qu'élément constitutif de l'Union européenne ». Il semble bien que le PPE de la CDU, qui place
l’immense logo « Für Deutchland und Europa » au dessus de sa tribune
lors de son dernier congrès, celui à l'issu duquel Merkel fut reconduite triomphalement, ne soit
pas exactement le même que le PPE de l’ex-UMP !
Et il existe encore à droite, c'est vrai, beaucoup de conservateurs pour qui un rapprochement trop poussé avec l'Allemagne s'apparenterait à une nouvelle capitulation inacceptable.
Mais il serait ridicule de jeter le bébé avec l’eau du bain, tant il y a de dissensions dans ce parti. Dans une recomposition qui ne manquera pas de se produire, surtout si Sarkosy rate la primaire au profit de Juppé, gageons que la fibre européenne de Juppé et de quelques autres (comme Michel Barnier) contaminés par « l’européisme » des centristes du Modem-UDI, saura prévaloir sur l’euroscepticisme. Juppé a promis qu’il ne ferait qu’un mandat. Bien lui en prendrait d’en profiter pour mettre la France en ordre de marche fédérale et commencer réellement un rapprochement fusionnel avec l’Allemagne.
Mais il serait ridicule de jeter le bébé avec l’eau du bain, tant il y a de dissensions dans ce parti. Dans une recomposition qui ne manquera pas de se produire, surtout si Sarkosy rate la primaire au profit de Juppé, gageons que la fibre européenne de Juppé et de quelques autres (comme Michel Barnier) contaminés par « l’européisme » des centristes du Modem-UDI, saura prévaloir sur l’euroscepticisme. Juppé a promis qu’il ne ferait qu’un mandat. Bien lui en prendrait d’en profiter pour mettre la France en ordre de marche fédérale et commencer réellement un rapprochement fusionnel avec l’Allemagne.
La gauche de la gauche
Le même
genre d’euroscepticisme peut, paradoxalement s’appliquer à la gauche de la gauche. Pour
des raisons idéologiques, certes
différentes, elle prône que "l’Europe capitaliste" est l'ennemi, et ne pourrait être recevable que si elle se
colorait préalablement d’un rouge anticapitaliste immédiat, peu lui importe que la
grande majorité des habitants d’Europe ne se décident toujours pas à aller dans son sens,
par leurs votes.
Devant une telle rigidité, elle a vu son crédit électoral s’étioler
en France depuis 30 ans. De plus la tradition jacobine de cette gauche d'obédience marxiste (pourtant internationaliste) ne l’encourage pas, non plus,
à comprendre l’intérêt d’un fédéralisme à la française.
Mais il ne
faut désespérer de rien. Le Front de gauche est largement lézardé, et les
communistes de Pierre Laurent surtout par la bouche des députés communistes au
Parlement Européen se présentent désormais en faveur de l’harmonisation sociale
et fiscale européenne, du renforcement des stratégies communautaires d’aide à
l’emploi des jeunes, de la création d’un budget européen autonome, de nouveaux
droits sociaux et même de la taxe sur les transactions financières, véritable
cheval de bataille des euro-fédéralistes.
Les centristes
Les
centristes sont, pour une grande majorité d’entre eux, ouvertement européens et sans
doute aussi un peu franco-fédéralistes mais, n’en ont jamais tiré d’avantages
probants. C’est que le bipartisme qui a prévalu longtemps en France, focalisé
sur une opposition de principe gauche-droite, n’a jamais permis au dossier européen, ni à l’écologie en général d'ailleurs (toutes deux inclassables dans ce schéma binaire simpliste) de
rapporter des voix en quantité. C’est aussi que leur engagement au fameux
"Centre introuvable", leur a rarement donné la possibilité d’être vraiment des
décideurs suprêmes hormis à l’époque de Giscard, et encore.
Aujourd’hui,
les scores du Front National, parti au service financier exclusif d’une famille
(qui se déchire par ailleurs), comme le furent en leur temps le Parti Péroniste
en Argentine, le Parti Nationaliste de Ferdinand Marcos en Indonésie ou le
parti communiste des Ceausescu en Roumanie (tous arrivés et maintenus des
années au pouvoir par les urnes…) provoquent une nouvelle dichotomie politique.
A cause du mode de scrutin français aux élections présidentielles et
législatives, la bataille s’engage, pour un temps, entre le FN d'une part, et tous les
autres d'autre part, qui se retrouvent, ainsi et malgré eux, embarqués dans le même bateau. Les centristes ont une carte à jouer dans ce
rassemblement disparate et en particulier autour du dossier européen. François Bayrou
saura-t-il la saisir ou bien sera-t-il, comme chaque fois le dindon d’une farce
que sa susceptibilité aura écarté des organes du pouvoir et de la possibilité
de peser sur le dossier pro-européen?
En tout cas,
il est certain que c’est au sein des rangs dits centristes qu’on peut compter
le plus de sympathisants à l’idée d’un fédéralisme à la française et cela
représente une force proéminente surtout dans la recomposition désormais moins
idéologique des partis traditionnels qui furent au pouvoir ces 50 dernières
années.
Les écologistes
Les
écologistes sont les bons soldats du fédéralisme européen. Ils sont, à juste
titre, viscéralement attachés à cette idée de responsabilité collective et
d’organisation régulée de tous les aspects de la vie économique des pays. De
Dumont à Cohn-Bendit, ils savent que l’Europe est un minimum et sont, pour
cette raison, les meilleurs chantres du fédéralisme européen. Bizarrement leurs
plateformes électorales sont moins claires quand il s’agit de fédéralisme
franco-français stricto sensu. Ils sont cependant le seul parti ayant en son
sein une commission "EELV Régions et Fédéralisme" et ils ont toujours favorisé la
décentralisation en région, ont toujours voté les budgets et les lois en sa
faveur et même été les moteurs de maintes avancées sur le plan régional. Si le
débat du fédéralisme s’ouvrait un jour vraiment, nul doute qu’ils en seraient,
là aussi les plus ardents défenseurs et ceux qui en auraient le plus débattu (!).
Le Parti Fédéraliste
A ce stade
il conviendrait de s’interroger sur le Parti Fédéraliste Européen - section française. Si les 7 objectifs
de son programme sont dans la ligne orthodoxe d’un fédéralisme européen assumé,
il faut aller vérifier dans ses statuts pour constater qu’en effet « il combat
pour la construction d’une France
fédérale dans une Europe fédérale, fondée sur l’institution de régions fortes représentées à
leurs niveaux. »
Mais
aucune des actions soulignées sur son site internet ne motive les sympathisants dans ce
sens là. Tout est axé sur l’Europe fédérale. Déjà bien !
Doté
de moyens financiers dérisoires car sans représentation élective, incapable de
réunir les 500 signatures pour une investiture lors d'aucune des élections présidentielles, son image est pâlotte et même son président Yves Gernigon peine à s’imposer dans quelque
média que ce soit.
Encore
une fois, l’idée fédéraliste n’étant classable ni à droite ni à gauche, le
parti « officiel » du fédéralisme manque de relief aux yeux de la
bipolarité d'hier. La nouvelle donne du « un contre tous » aux
prochaines élections lui permettra-t-elle d‘émerger ou, au contraire, ne
continuera-t-il à être qu’une sorte de lobby politique auprès des autres partis? A voir.
Les socialistes
Dans l'ensemble des publications et déclarations du PS, le
dossier fédéraliste européen est assez tabou, sans doute par manque de témérité.
Et
lorsqu’on entre aujourd’hui les mots Europe fédérale sur le site du PS, le seul
article convergent qui « tombe », date d’une contribution pour le congrès... de
Toulouse en 2012 ( !) au titre chevaleresque « Osons l’Europe
Fédérale ». L’histoire ne dit pas combien de votes elle comptabilisa à
Toulouse. Le mot fait peur alors qu’il est de notoriété publique que les socialistes sont
probablement les plus « fédéral friendly » des dirigeants de ces 30
dernières années.
Lorsque
François Mitterrand, lors de son deuxième mandat, s’entend avec
le Chancelier Kohl pour, d’une part approuver et faciliter la réunification des
deux Allemagne et, d’autre part
(sans doute en contrepartie) obtenir un renforcement de la construction
européenne avec, en point d’orgue la création de l’Euro et le traité de
Maastricht, il fait œuvre de véritable bâtisseur de l’Europe. Il rejoint ainsi au
Panthéon de la France européenne, Jean Monnet, Robert Schuman, De Gaulle, et Giscard; mais en se démarquant des deux derniers qui agissaient pour que l’Europe existe mais pas trop, c’est à dire
jusqu’à un certain point de partage de souveraineté à ne pas dépasser.
Mitterrand, avec l’appui de l’ensemble du PS, à l’exception notable de Chevènement mais
avec Delors, a, lui, lancé le bouchon très loin et sans doute, espérons-le, assez
pour rendre l’Union Européenne pérenne, sinon encore efficace, mais en tout cas
incontournable et en pilotage pratiquement automatique vers le fédéralisme.
Le PS
français est, par ailleurs, très bien "imbriqué" au niveau européen dans le PSE (parti
socialiste européen). Il participe assidûment aux travaux de ce parti (et en
est même un des principaux contributeurs avec les portugais, les espagnols et
les allemands). Des délégations importantes d’adhérents individuels du PS
français y sont même bien représentées. Preuve que le fédéralisme ne lui fait
pas peur.
Quant à évoquer
une fédération franco-française, cette
mention est, semble-t-il, totalement absente des publications et sujets abordés
publiquement ces dernières années. Mais comme on l’a dit plus haut, ce silence n’est
peut-être en fait que le signe que le Parti Socialiste souhaite avancer masqué
sur ce dossier. Car c’est bien lui qui a procédé au redécoupage des régions en entités de taille "européenne" avec chacune un métropole en son sein, et c'est bien lui qui a véritablement mis la décentralisation
sur orbite avec Gaston Defferre dès le premier septennat de Mitterrand, c’est
lui qui a toujours bataillé contre les « jacobins » souverainistes sur
tous les sujets ayant trait au régionalisme, c’est lui encore qui a légiféré en
1982, 1991 et 2015 pour octroyer à la Corse un statut particulier allant jusqu'à la création de la Collectivité de Corse avec pouvoirs législatifs renforcés.
Les régions ont toujours été le cheval de bataille des socialistes lorsqu’ils ne sont pas au
pouvoir « central », trustant jusqu’à 2015, à certains moments, la
quasi totalité des 22 présidences de régions.
Ségolène Royal
a manifesté cette culture de la région par son implication réelle en
Charentes-Poitou mais aussi, crânement, dans sa campagne présidentielle de 2006/2007, en
prônant une démocratie participative, donc plus décentralisée, se heurtant
d’ailleurs au centralisme parisien des instances de son propre parti.
Le PS de
2016 semble également prêt à une plus grande autonomie des régions, n’ayant pas
hésité à se « sacrifier » aux dernières élections régionales pour
qu’aucune de tombe dans le giron du FN antieuropéen et à un partage des pouvoirs et des
décisions avec les acteurs locaux lorsqu’il lui apparaît qu’un partenariat
étroit avec les régions peut permettre d’aider à résoudre un problème
spécifique comme celui de la formation professionnelle ou de l’apprentissage.
On sait bien
qu’aucune région (y compris la Corse) ne peut (et ne souhaite, d’ailleurs) s’émanciper
du giron d’un état dont les infrastructures leurs sont nécessaires. Et une vraie
constitution française fédérale dans laquelle les attributions effectivement
tangibles et les financements correspondants seraient clairement posées et
discutés en sincérité, conviendrait bien mieux à leurs populations que le statu
quo actuel.
Aujourd’hui
si le PS apparaît comme sur les starting-blocks de la construction européenne
fédérale et si son analyse rejoint la notre, quant à un ordre logique dans les
actions successives à accomplir, incluant au premier abord de doter la France
d’une constituions fédérale, encore faut-il franchir le pas. Et les socialistes,
seuls, n’iront jamais. Aucun autre parti favorable à cette idée non plus, d'ailleurs.
Alors?
Si une
Sixième République fédérale devait voir le jour en France, elle ne pourrait
être proposée que par réferendum et ne pourrait être menée à bien dans un consensus large dont les socialistes,
les écologistes, les centristes dans leur grande majorité, un nombre conséquent
d’électeurs du parti Les Républicains et sans doute une jolie masse d'abstentionnistes habituels, seraient partie prenante.
Si tous ceux
là voulaient s’en persuader, individuellement ou en groupe, cela ferait bien une belle majorité...
pff france fédérale en route? n importe quoi les pseudo régions française qui n'ont aucun sens et aucune légitimité n'ont aucun pouvoir et sont très loin d’avoir un budget équivalent au lander allemand! revenont à une france à 22 laissons le pouvoir au région (vrai état fédéral) et le peuple decidera les fusions...
RépondreSupprimerEuh, je crois que la France à 13 régions (continentales) c'est déjà fait non? Oui d'accord avec vous, laissons le peuple décider s'il préfère une France centralisée ou une France fédérative. C'est un choix! C'est pourquoi je m'interroge sur les forces politiques en faveur ou en désaccord avec cette idée. Je ne dis pas que c'est fait, mais qu'il faut y réfléchir et si possible convaincre...
SupprimerQue la Force soit avec nous!!!! Cf votre blog!
Amitiés. P.